Association Burkinabè de Fundraising

« Le plus important, je crois, c’est d’avoir amené le peuple à avoir confiance en lui-même comprendre que finalement il peut s’asseoir et écrire son développement, écrire son bonheur et dire ce qu’il désire. Et en même temps, sentir quel est le prix à payer pour le bonheur »
Thomas SANKARA

Association burkinabè de fundraising développement
« Le plus grand résultat qui nous satisfait, c’est le changement de mentalité »

« Le plus grand résultat qui nous satisfait, c’est le changement de mentalité », Abdoulaye Sawadogo

Depuis 2008, l’Association burkinabè de fundraising (ABF) s’est assignée pour mission d’aider les associations à mobiliser des ressources et des soutiens au Burkina afin de mettre en œuvre des projets contribuant au bien-être de leurs communautés. Dans cette interview, son directeur général, Abdoulaye Sawadogo dévoile la recette de l’ABF. Il présente également, les grands résultats et investissements majeurs réalisés par les associations partenaires de l’ABF. Abdoulaye Sawadogo aborde également, les défis pour booster le développement communautaire au Burkina Faso.

Sidwaya (S.) : Depuis sa création, il y a 15 ans, l’Association burkinabè de Fundraising (ABF), a fait du développement endogène son cheval de bataille.  Pourquoi, ce choix ?

A.S. : Tout est parti d’un constat. Depuis la création de l’ABF, nous avons fait le constat qu’il y a de nombreuses ONG au Burkina qui reçoivent beaucoup d’aides de l’Etat ou des associations de développement, mais les résultats ne sont pas comme nous le souhaitons. En effet, beaucoup d’argent a été investi dans des infrastructures socioéconomiques. Mais les mêmes maux existent toujours. Nous avons toujours des problèmes d’eau, de santé, d’éducation, etc. Maintenant, la question qu’on s’est posée, est-ce que l’aide que nous recevons, en tant qu’association de développement ou bien en tant qu’Etat, répond à la priorité des Burkinabè ? C’est la raison pour laquelle, la plupart des projets qui ont été développés ont échoué. Pour ABF, il faut changer la manière de faire les choses, c’est-à-dire mettre, la communauté au-devant des choses. Si, la communauté arrive à choisir ses priorités, on est sûr que cela répond à ses besoins réels. Et ainsi, on peut travailler ensemble pour répondre aux problèmes que la communauté a elle-même identifié. Au lieu de prendre des financements pour venir imposer des secteurs d’activités alors que nous ne sommes pas sûrs que les bénéficiaires vont adhérer, c’est la communauté qui est à la base de tout le processus désormais.

  1. : Justement, dans le cadre de la promotion du développement endogène, ABF met en œuvre deux programmes essentiellement : « Change the Game Academy » et « Giving for Change ». Est-ce que vous pouvez nous les présenter brièvement ?

A.S. : Effectivement, ABF, depuis

2017, a introduit le programme « Change the Game Academy » qui veut dire changer le jeu. C’est un programme qui fait la promotion du développement endogène à travers le renforcement de capacités des organisations de la société civile à la mobilisation des ressources locales et à la mobilisation de soutiens. Ce programme a pu travailler avec une soixantaine d’associations au Burkina qui ont montré leurs preuves, leurs capacités de mobilisation des ressources sur le terrain et qui ont implémenté des projets qui sont visibles aujourd’hui. Et ce programme, nous l’avons élargi depuis 2022 avec des associations dans sept autres pays de l’Afrique francophone qui en ont fait la demande au vu des

Résultats que nous avons engrangés au Burkina.  Il s’agit du Bénin, du Burundi, du Cameroun, du Mali, de la République Démocratique du Congo, du Sénégal et du Togo. Le deuxième programme s’appelle « Giving for Change », « Donner pour le développement endogène ». Il est un peu similaire au premier. La différence est que plusieurs acteurs sont impliqués, comparativement au premier programme, où, on travaillait uniquement avec les associations qui développaient leurs idées de projet et qui mobilisaient les ressources au niveau local pour réaliser des projets sociaux. Dans le programme « Giving for Change », le gouvernement, les religieux, les coutumiers, les acteurs de droits humains dont la presse, ont leur part à jouer pour atteindre le développement endogène. L’idée est que l’administration peut faciliter les procédures, les coutumiers et les religieux à travers leurs conseils peuvent guider les actions, etc.  L’adhésion de l’ensemble des acteurs de la société contribue à la réussite de la mise en œuvre du programme. C’est un programme pilote qui est implémenté dans six régions du Burkina. Un programme pilote, pour voir comment aussi ce programme peut apporter un plus au développement.  Présentement, il y a 40 associations qui sont en formation, avec l’accompagnement de tous ces acteurs pour apprendre à mobiliser des ressources et pallier aux problèmes qui ont été soulevés dans ces différentes localités.

  1. : Qu’est-ce qui a milité au choix de ces six régions ?

A.S. : Disons que c’est un programme financé par un de nos partenaires et pays amis, qui est le gouvernement néerlandais. Nous avons obtenu le financement dans le cadre dans le cadre du programme « renforcement de la société civile ». Au Burkina, le programme couvre les régions de la Boucle du Mouhoun, du Centre-Est, du Centre-Nord, de l’Est, du Nord et du Sahel.

 

  1. : Quels sont les résultats phares qui résultent de la mise en œuvre de ces deux programmes ?

A.S : Le plus grand résultat qui nous satisfait, c’est le changement de mentalité. C’est le plus grand résultat parce qu’au moment où on commençait la collaboration avec toutes les associations partenaires, elles attendaient des financements. Ces associations faisaient le tour des bureaux des ONG pour déposer des demandes de financement. Elles n’obtenaient pas toujours des réponses positives ou n’en obtenaient pas du tout. Mais aujourd’hui, avec l’accompagnement d’ABF, ces associations ne sont plus dans l’attente, elles s’organisent avec la base et elles se donnent un délai pour pouvoir financer leurs projets. Cela dépend de la taille du projet. Si c’est des microprojets de 5 à 10 millions F CFA, en une année ou deux, elles peuvent boucler le financement. Lorsque le budget est plus consistant, elles peuvent se donner trois ou quatre ans avec le coaching d’ABF pour mobiliser les ressources et réaliser le projet qui a été identifié. De façon concrète sur le terrain, le programme « Change the Game Academy » a boosté quelques associations qui ont réalisé des investissements au profit des communautés. Dans la boucle du Mouhoun, 500 élèves déplacés internes ont pu être soutenus par le « projet scolarisation de 500 enfants PDI » de l’OCADES Dédougou qui a

Mobilisé 50 millions F CFA en espèces et d’autres dons en nature grâce à l’organisation d’une loterie et des sollicitations personnelles.  L’association pour les petits projets africains a construit une école de 3 classes qui a été normalisée par l’Etat, dans le village de Sidi2 dans la province du Kénédougou grâce à un donateur local.

Dans la région du Centre-Est, la fondation d’aide aux projets sahéliens a réhabilité une retenue d’eau d’une capacité de 45000m3 dans le village de Silmiougou qui profite à 50 jeunes et femmes. SCOOP Yanyema de Fada N’Gourma quant à elle, a mis en place un jardin maraicher au profit des femmes déplacées internes de la région de l’Est. Dans la ville de Koupéla, l’OCADES Koupéla a réalisé 3 points d’eau dans 2 quartiers où les familles peinaient pour avoir de l’eau potable. ABF est très fier de ces résultats et nous allons continuer pour appuyer d’autres structures, la moitié de ceux qui sont passés à l’école.

Le DG de l’ABF, Abdoulaye Sawadogo : « dans la région du Centre-Est, la fondation d’aide aux projets sahéliens a réhabilité une retenue d’eau d’une capacité de 45 000 m3 dans le village de Silmiougou qui profite à 50 jeunes et femmes, grâce au coaching de ABF ».

  1. : Quelle est donc la recette utilisée par ABF pour obtenir ces résultats ?

A.S. : La stratégie d’ABF, c’est d’abord la transmission des connaissances et des compétences aux associations partenaires. Ensuite, le coaching pour les amener à atteindre l’objectif. Cette transmission des connaissances et des compétences, c’est une trajectoire de formation qui prend une année pour chaque module avec des intervalles pour la mise en pratique où ABF fait des coachings. Le coaching d’ABF, c’est sur le terrain. ABF est sur la place, examine la structure et aide les   responsables à connaître les forces, les faiblesses et les opportunités qui peuvent se présenter à elle pour atteindre ses objectifs. Il y a des structures qui ont des potentialités à l’interne comme à l’externe, donc ABF les aide à saisir toutes les opportunités et ainsi les communautés agissent par elles mêmes et pour elles-mêmes. ABF met l’accent également sur la qualité des ressources humaines, les formateurs certifiés qui travaillent avec ces différentes associations.

  1. : Comment faire pour bénéficier de ce coaching ?

A.S. : L’ABF reçoit toutes les demandes des associations. Maintenant, comme la trajectoire coûte très chère, il y a une subvention qui est octroyée pour accompagner les différentes associations.

Malheureusement, cette subvention ne peut pas couvrir les centaines de demandes que nous recevons chaque année. Nous ne pouvons pas prendre tout le monde. Mais, nous sommes en train de développer des initiatives pour augmenter le nombre de structures bénéficiaires par an.  Cela passe aussi par l’augmentation du nombre de formateurs certifiés dont nous disposons actuellement.

  1. : Le 26 octobre 2023, ABF a organisé le forum national sur le développement communautaire. Quels sont les défis recensés par les acteurs au cours de cette rencontre ?

A.S. : Ce forum a été une première. Il a permis à l’ABF de tirer beaucoup de leçons. Tout d’abord, il a été un grand succès parce que tous les acteurs que nous avons conviés ont répondu présent aux différents travaux. Et, les résultats répondent vraiment à nos attentes. Parlant des défis, le premier défi est qu’au Burkina, nous n’avons pas ce qu’on appelle la culture du don. Au niveau individuel, nous devons donc travailler au changement de mentalité afin que tous ceux qui peuvent faire quelque chose pour changer les choses passent à l’acte. Au niveau de l’Etat, il n’existe pas vraiment une politique claire pour faciliter la levée de fonds au niveau local auprès des entreprises, des individus, ou d’autres acteurs qui peuvent s’investir dans le développement. Si nous arrivons à relever ne serait-ce que l’un de ces défis, nous pourrons ensemble, main dans la main faire beaucoup de choses pour assurer le développement du Burkina.

  1. : Justement, quelles sont les perspectives pour booster le développement communautaire au Burkina ?

A.S. : Il y a beaucoup de perspectives pour booster le développement communautaire. Comme on le dit, à quelque chose, malheur est bon. La situation que nous vivons actuellement a amené le Burkinabè à comprendre que son développement doit être fait par lui-même.  Cette prise de conscience doit être maintenue si nous voulons vraiment que notre développement réponde à nos priorités. L’autre perspective est de changer de paradigme pour toutes les initiatives de développement que les bailleurs de fonds sont en train de promouvoir. Après plusieurs tentatives dont les résultats sont mitigés, il est temps de mettre la communauté au centre de toutes les politiques. Cela va faciliter le travail de l’ABF au Burkina et en Afrique. Nous sommes en train de promouvoir le réseaux « Change the Game Academy », qui a commencé au Burkina. Ce réseau va travailler avec le secteur privé et l’État pour briser certaines barrières.

  1. : Le développement endogène est devenu un thème à la mode. Comment vous appréciez cet engouement ?

A.S. : Je suis vraiment content que de nombreuses personnes chantent ce concept tous les jours, même si beaucoup ne comprennent pas ce que cela veut dire et d’autres ne savent pas par où commencer.

C’est bien que les gens arrivent à se rendre compte qu’on doit travailler par nous-mêmes pour se développer, même si beaucoup restent dans le discours et les conférences de presse.

Je pense que si nous voulons vraiment nous développer, tous ces acteurs qui veulent amorcer la dynamique doivent se mettre ensemble, partager leurs idées pour aller plus loin.

Sources : Sydwaya N° 100671 – Environnement & Développement – Jeudi 8 fév 2024

Nadège YE

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